Retour sur le mobinaire d’i-Viatic consacré à la mobilité électrique et la stratégie d’infrastructures de recharges pour véhicules électriques IRVE pour les territoires.
Le 5e mobinaire i-Viatic du 9 septembre 2022 a porté sur la mobilité électrique et l’implantation des bornes de recharges afin de comprendre comment les pouvoirs publics peuvent s’emparer des outils existants à travers plusieurs retours d’expériences. Afin de mailler au mieux un territoire, les aménageurs, en collaboration avec les opérateurs d’infrastructure de recharge, doivent investir cette question en élaborant une stratégie d’infrastructures de recharges pour véhicules électriques(IRVE).
Jean-Luc Coupez, directeur général associé, et Daniel Kovacs, consultant électromobilité/IRVE chez e-Mobility Expert ont évoqué l’électromobilité à travers le schéma directeur des infrastructures de recharges pour véhicules électriques (SDIRVE).
La première voiture électrique a été mise en route dés 1834. Elle est peu à peu remplacée par des véhicules avec un moteur à explosion, créer en 1861. Aujourd’hui, de nombreuses lois et réglementations ont émergé à partir du concept de neutralité carbone[1] favorisant le développement des véhicules électriques. Par exemple, la loi d’orientation des mobilités (LOM) de 2019 instaure des zones à faibles émissions mobilité (ZFE) limitant la circulation des véhicules polluants appuyé par le dispositif de vignette Crit’Air qui identifie les véhicules les plus polluants. En 2024, les grandes métropoles et grandes villes françaises comptabiliseront 44 ZFE. Si le marché du véhicule électrique existe depuis 2010, il a été favorisé par de nouvelles lois et réglementations avec près de 1 million de véhicules dont 400.000 hybrides rechargeables sur le territoire en 2022. A noter que la région des Hauts-de-France se positionne avec l’installation de 3 giga usines de fabrication de batteries électriques d’ici 2025[2].
La voiture ou le camion électrique sont des solutions intéressantes. La technologie est en effet beaucoup plus efficace, la voiture électrique utilisant 40 % de l’énergie de départ contre 15 à 20 % pour un véhicule diesel. Le marché est dynamique avec un large panel de véhicules particuliers et professionnels dont les autonomies varient de 200 à 600 km avec des annonces vers 800 voir 1000 km, pour tous types d’usages individuel ou collectif, partagé ou en mobilité douce, sur l’eau, sur la route ou dans les airs.
Comment la mobilité électrique se décline sur les territoires ? Plus la batterie est grosse et donc lourde, plus un poids inutile est transporté. Il est donc nécessaire de jouer sur les IRVE et la disponibilité des points de charge. Sur les territoires, la mobilité électrique est très orientée sur les usages. Entre 80 à 85 % des recharges se font au domicile ou au travail pendant que le véhicule est stationné. L’achat d’un véhicule se fait pour un usage réel de 15 % du temps. Les grands axes de réflexions sur le déploiement d’IRVE sont soutenus pas des lois, décrets, normes et subventions.
Pour les projets urbains d’aménagement, les schémas directeurs s’appuient sur des plans locaux d’urbanisme (PLU, PLUi[3]) et des plans de déplacements (PDU) intégrés à des plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET). La démarche RSE[4] de l’entreprise, de la société de transport ou de la collectivité va s’appliquer à réduire les gaz à effet de serre de la flotte ainsi qu’à rendre les bornes accessibles aux salariés et aux clients.
Les aspects techniques d’une station de charge comportent les bornes munies de connecteur et points de charge sur des places avec un marquage obligatoire horizontal et vertical. Les 3 usages principaux sont la charge principale (habitat, travail, voirie) qui représente 80 % de la consommation d’énergie, la charge occasionnelle (courses, restaurants…) et la charge en itinérance (autoroute, zones de passage). Par rapport à la puissance disponible, le nombre de km en fonction du temps de stationnement sera étudié.
Des IRVE : de la simple prise jusqu’à la borne de charge ultra rapide jusqu’à 350 kW ou plus pour les camions
Les environnements sont à adapter en fonction de la charge et du temps de stationnement, ce qui génère différentes solutions mécaniques ou électriques, de protection contre les risques de choc ou les intempéries. La recharge peut être lente, accélérée (recharges normales), rapide ou ultrarapide. Le format sera celui d’une prise de courant simple, d’un câble de recharge occasionnel (CRO), de petits coffrets fixés au mur appelé wallbox jusqu’aux bornes à charge rapide voir ultra rapide pour l’itinérance.
Une station de charge comporte l’espace nécessaire au véhicule pour stationner, le point de charge (borne, coffret) et les autres éléments nécessaires (armoire électrique de gestion « intelligente » de la charge). Elle doit répondre à des normes et standards techniques comme le standard européen de 2014.
Exemples d’infrastructures de recharges pour véhicules électriques
Il existe aujourd’hui 66.960 points de charge publics sur le marché français pour des usages de commerces (31 %), parkings (37 %) et voiries (27 %) avec plusieurs catégories de puissance : monophasé (56 %) ou triphasé (Renault Zoé). La LOM prévoit 100.000 points de charge (PC) et 1 million de véhicules électriques (VE) en 2022, 7 millions de PC et 6 millions de VE en 2030, et enfin en 2035 la fin de la vente des véhicules thermiques, le marché de l’occasion demeurant.
Un schéma directeur SDIRVE s’attache à proposer une offre de charge suffisante et adaptée, en complémentarité entre le public et le privé en intégrant les priorités territoriales d’attractivité, de commerce, d’industrie, du tourisme et sur les aspects sociaux (HLM par exemple). Il doit être cohérent tout en répondant à chaque usage du territoire.
Avec l’augmentation des coût de l’énergie, les solutions envisagées se tournent vers l’autoconsommation et la gestion de la recharge. C’est tout un nouvel écosystème à appréhender entre le VE, la recharge, le câble, l’interconnectivité sans fil Ethernet. Le protocole de communication CPO (opérateurs de point de charge) passe par un système de centralisation des données (Gireve[5] en France) lui-même interconnecté pour faire de l’interopérabilité de l’accès et de la facturation au niveau des PC.
Quelles sont les solutions de pilotage de recharge ? La nouvelle norme ISO 15118 enrichit considérablement la communication entre un VE et une IRVE, aujourd’hui limitée à une régulation analogique pour la sécurité électrique (CEI 61851). Elle complète l’architecture informatique de l’écosystème de la recharge des VE pour plus de simplicité, de sécurité et l’apport de nouveaux services aux conducteurs : « plug and charge », « smart charging » ou « vehicule-to-grid ». La voiture de demain sera connectée, autonome, partagée (service), électrique avec une approche MaaS[6] (intermodalité des transports).
Superviseur E-Mobility de SAP Lab France
Jean-Michel Jausseme, directeur territorial adjoint à la direction régionale Nord-Pas de Calais d’Enedis a précisé le rôle d’Enedis dans le déploiement des IRVE sur les territoires. Enedis est le gestionnaire du réseau d’électricité publique qui accompagne des porteurs de projet de schéma directeur d’IRVE. Enedis s’intéresse aussi au volet aval de raccordement des bornes au réseau de distribution d’électricité, ainsi qu’aux flottes de bus électriques et à sa propre flotte. Enedis accompagne les collectivités locales sur leurs schémas directeurs d’implantation de bornes de recharge. Son accompagnement se fait également sur les bornes de recharge raccordées aux installations d’éclairage public et sur le développement des flottes de bus électriques. Par ailleurs, Enedis pourra développer d’autres cas pratiques à la demande de la collectivité territoriale.
Il va mettre à disposition du porteur de projet des éléments sur la situation existante (état des lieux des IRVE implantées sur le territoire, typologie des déplacements sur le territoire, possibilité de recharge à domicile…). Il mène une étude prospectivecapable de cartographier les besoins en IRVE sur le domaine public à l’horizon 2022 et 2035 (recharge classique et recharge rapide). Les données mises à disposition identifient la capacité du réseau à raccorder des IRVE et alimentent un simulateur de raccordement des IRVE.
Un sujet important est d’accompagner le logement résidentiel collectif dans le déploiement des infrastructures de recharge : Enedis engage une démarche proactive auprès des bailleurs sociaux et privés et des promoteurs aménageurs lotisseurs. L’objectif est de simplifier le parcours client et d’expliquer les différentes solutions de raccordement d’IRVE dans l’habitat collectif existant et neuf.
Une application a été déployée qui fournit des données en vue du schéma directeur. Les données proviennent de toute la France et il est possible de zoomer sur un territoire par AODE (autorités organisatrices de la distribution d’énergie), département, région, EPCI ou bien à la maille du syndicat. Elles sont croisées avec des données publiques comme : la population active, les modes de déplacement, la caractéristique des ménages (possibilité de recharge à domicile ou pas) ou encore la typologie de l’habitat (résidentiel, collectif). L’état des lieux des bornes déjà installées ou en projet est disponible.
Enedis est capable d’identifier des points singuliers attractifs pour l’installation de borne grâce aux données Gireve du domaine public et toutes les données de raccordement d’Enedis. Pour l’ensemble des collectivités à la maille définie et de façon dynamique, Enedis dispose du nombre de véhicules électriques et hybrides immatriculés à fin 2020. Il connait aussi la prévision d’arrivée des véhicules électriques et hybrides jusqu’en 2035 ainsi que de la prévision des besoins en IRVE jusqu’en 2035, tout cela grâce à des algorithmes complexes. L’hypothèse de la conversion des données du véhicule au PC est que les charges se font essentiellement la nuit au domicile pour ceux qui le peuvent ou sur la voie publique pour les autres. De grandes enseignes ont définis des politiques systématiques d’installation de borne.
Enedis a développé un simulateur encore plus précis pour les études de raccordement d’ingénierie qui va définir la solution optimale de raccordement et permet de positionner la borne sur la carte et estimer le coût de raccordement.
Marc Dezetter, chef de projet mobilité innovante et Florian Blanchet, responsable du service Plan Climat à Valenciennes Métropole ont partagé le retour d’expérience sur la stratégie de déploiement des bornes publiques de recharge pour véhicules électriques de Valenciennes Métropole.
Le parc automobile de la métropole évolue rapidement (+12% de véhicules électriques ou hybrides rechargeables entre 2020 et 2021). L’usage des bornes est en forte progression avec un triplement en 1 an et 7 fois plus en 2 ans à l’échelle régionale. L’offre des acteurs privés progresse comptabilisant 20 bornes installée sur des commerces, concessionnaires ou hôtels. En 2022-2023, il s’agit de compléter le maillage du territoire et finaliser l’équipement des pôles de mobilité (Parking relais, parkings publics).
Valenciennes Métropole a planifié le déploiement d’une offre de recharge accessible au public répondant à la croissance et la diversité des besoins. Elle s’attache à assurer la complémentarité des offres publiques et privées, à réguler l’occupation de l’espace public en particulier le centre-ville, ainsi qu’à la qualité de service (lisibilité de l’offre, tarification, moyens paiement) dans le respect des nouvelles réglementations. C’est pour cela que Valenciennes Métropole a lancé l’élaboration de son SDIRVE dont les objectifs sont d’accompagner la stratégie territoriale en faveur du développement de la mobilité durable et de la transition écologique.
Disposer d’un cadre de référence permet de planifier le déploiement du réseau de bornes accessibles au public à moyen (3 ans) et long terme (5 ans et plus) et optimise sa mise en œuvre (partenariat, soutien financier).
En 2013, Valenciennes Métropole a adhéré à la charte régionale de l’électromobilité. Une étude de faisabilité a été réalisée pour le déploiement de ces bornes sur le territoire de Valenciennes Métropole en 2014. En 2015, la compétence a été prise et la métropole a adhéré à la centrale d’achat régionale pour l’achat groupé de bornes. Le montage financier (subventions à 65% de l’ADEME et la Région) a été finalisé ainsi que l’étude d’implantation Enedis pour l’installation de 38 bornes sur le territoire. A l’issue de cela, en 2016, une concertation avec les communes a été conduite pour affiner l’emplacement des bornes qui ont été déployées jusqu’en 2018. En 2019, la région a renouvelé le marché d’exploitation jusqu’en 2023.
Aujourd’hui, 37 bornes (74 prises) sont réparties sur 29 sites, 16 communes sur les 37 de la métropole avec un service intégré au réseau régional Pass Pass Électrique. Les installations comprennent 36 bornes accélérées, 1 borne rapide (rue du Dauphiné) et une signalétique spécifique des emplacements dédiés à la recharge électrique. Sur 2021, le service a comptabilité 7.834 sessions (doublement en 2022), 17 sessions/borne/mois en moyenne, 2 stations dans le top 5 des stations les plus utilisées du réseau Pass Pass (borne rapide rue du Dauphiné et place verte), 301 abonnés actifs sur le territoire, 44 demandes d’intervention de maintenance et 119 tonnes d’émission de CO2 économisées en 2021.
[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Neutralité_carbone[
2] https://www.hautsdefrance.fr/categorie/dossiers/les-hauts-de-france-la-vallee-de-la-batterie/
[3] Plan local d’urbanisme intercommunal
[4] Responsabilité sociale des entreprises qui intègre la dimension environnementale
[5] Plateforme d’interopérabilité européenne grâce à laquelle les acteurs de la mobilité électrique (gestionnaires de parcs de bornes de recharge, opérateurs de service, constructeurs automobiles, énergéticiens, etc.) nouent facilement et rapidement des partenariats
[6] Mobility as a service