Depuis 2020, la France connait un engouement pour le vélo et notamment pour la cyclomobilité professionnelle avec une hausse du nombre d’entrepreneurs à vélo et d’acteurs de la logistique du dernier km à vélo comme la livraison à domicile. L’usage du vélo pour des déplacements professionnels travail-travail[1]répond à de nombreux enjeux écologiques, de santé ou de cadre de vie (pollution sonore, visuelle, décongestion des villes). Cette approche relativement récente représente également l’opportunité de créer des emplois locaux non délocalisables.

 

De nombreux liens sont à imaginer et à construire vis-à-vis d’une thématique transversale par essence. Si la place des entrepreneurs est évidente, les collectivités peuvent aussi développer cette activité sur leur territoire en commençant par sensibiliser les acteurs économiques et associatifs.

 

Le webinaire organisé par i-Viatic le 25 mars 2022 a été l’occasion de s’interroger sur les enjeux de la cyclomobilité et la manière dont les collectivités peuvent s’inscrire dans cette dynamique.

Jean-Baptiste Thébaud, directeur d’études chez Interface Transport, un bureau d’études indépendants spécialisé sur les sujets de mobilité, a partagé les résultats de la 1ère enquête européenne sur la place du vélo dans les modes de déplacements professionnels réalisée en 2021 par l’association Les Boîtes à Vélo avec le soutien du Ministère de la transition écologique et de l’Ademe. Plus de 1000 professionnels français ont répondu dont 42 collectivités. Plus de 80 % des dirigeants du secteur privé déclarent que leurs salariés se déplacent dans le cadre de leur activité professionnelle dont une partie est réalisés à vélo contre 35% parmi les répondants au nom de collectivités territoriales.

Le collaborateur-type utilisateur de vélo a plus de 25 ans, réside dans une grande agglomération et travaille dans le tertiaire ou dans une administration. Ce vélo est classique ou à assistance électrique dans 33% des cas. Parmi les salariés qui n’utilisent pas le vélo, les principaux motifs avancés sont les distances trop importantes (56%) et des parcours inadaptés à l’usage du vélo comme les dénivelés (30%). Étonnamment, l’envie ou la capacité de faire du vélo (6%) ainsi que le risque de vol ou le danger de la pratique (9%) ne sont pas des verrous majeurs à la pratique.

80% des collectivités mettent des vélos à disposition de leurs salariés contre 49% des entreprises. Un haut niveau de satisfaction est constaté lorsque le dispositif est mis en place : près de 90% des organisations et 89% des collaborateurs.

Les actions menées par les collectivités territoriales consistent à créer des aménagements spécifiques dans l’espace public et la sensibilisation pour faciliter le développement de la cyclo-logistique sur leur territoire. En revanche, 31% des collectivités n’ont pris aucune mesure pour faciliter le développement de la cyclologistique sur le territoire. Il reste donc encore beaucoup à faire pour les collectivités.

L’association Les Boites à Vélo, qui a commandé cette étude, rassemble plus de 300 entrepreneurs utilisant des vélos utilitaires (biporteur, triporteur, tricycle, vélo remorques) dans le cadre de leur activité qui représente une grande diversité de métiers : artisanat, services, restauration, logistique, filière du vélo utilitaire (voir annuaire https://lesboitesavelo.org/annuaire/). Ces acteurs réfléchissent à la compatibilité de leur activité avec le vélo et à son adaptation.

Le mouvement a commencé à se fédérer à Nantes en 2012. Le 1er congrès a été marqué par la création de l’association nationale basée à Paris. En 2019, une antenne a été lancée à Lille et en décembre 2021 à Dunkerque. Ce mouvement récent prend de l’ampleur et se déploie sur des territoires divers : zones urbaines denses, périurbaines et rurales.

Clara Bogaert, chargée de mission développement régional à l’association Les Boîtes à vélo Hauts-de-France, précise que la cyclomobilité professionnelle est une solution de réponse aux enjeux actuels. Très transversale, elle permet de travailler sur la diminution des gaz à effet de serre et la pollution de l’air qui a provoqué 6.500 décès prématurés en région Hauts-de-France en 2016. On estime que 37% des déplacements et 65% des livraisons en centre-ville sont réalisables en vélos. Les travailleurs qui utilisent le vélo améliorent le cadre de vie car ils limitent la pollution sonore et visuelle (6,5 mois de vie en bonne santé perdue du fait du bruit routier). Ils favorisent des territoires apaisés à taille humaine. C’est un moyen pour revitaliser les centres-villes : gain d’espace (à Paris 50% de l’espace public est dédié aux voitures), retrouver des commerces de proximité et faciliter l’accès aux offres pour tous (personnes en situation de handicaps, personnes vieillissantes). C’est aussi favoriser une économie locale car les travailleurs à vélo parcourent moins de distance et se concentrent sur un territoire donné. Ils créent des emplois pérennes ancrés localement et encouragent une manière d’entreprendre plus inclusive.

Quels sont les prérequis pour faciliter le développement de la cyclomobilité professionnel sur un territoire ?

Il s’agit de former et accompagner les porteurs de projet à l’usage du vélo utilitaire dans le sens où les métiers doivent être adaptés. Des questions de logistique et de choix de matériel se posent ainsi que l’aide aux personnes pour identifier et lever les freins potentiels. On constate aujourd’hui avec l’association Les Boites à Vélo qu’il est important de fédérer et rassembler pour augmenter la visibilité du secteur ainsi que le maillage territorial. Il est également crucial de favoriser la mutualisation et la coopération pour favoriser l’implantation et les synergies, pour échanger les bonnes pratiques et favoriser l’entraide. L’association accompagne également la mise en place de lieux ressources.

Bâtiment en gestion transitoire 21 rue Maracci à Lille rassemblant 9 entreprises et 23 personnes.

Les collectivités disposent de plusieurs leviers pour s’approprier la cyclomobilité professionnelle : l’intégrer dans les commandes publiques et les appels d’offre en cohérence avec l’objet de ces derniers ou encore l’inscrire dans les politiques publiques. Elles peuvent modifier certains services internes comme la livraison de repas à vélo ou favoriser la création de synergies grâce à leur bonne connaissance de leur territoire et de ses acteurs. Autres leviers possibles : la création de lieux ressources, la mise en place d’aménagements adaptés, des aides et subventions ou encore la commande de diagnostic et d’études.

Le programme Ma Cyclo entreprise est disponible jusqu’à la fin de l’année 2022 et propose des formations sur Lille et Dunkerque (voir dates sur agenda) pour les entreprises de moins de 10 salariés (collectivités concernées ?).

Un exemple concret a été présenté par Kévin Vander Eecken, dirigeant de l’épicerie mobile Comment ça vrac ? qui se déploie sur la métropole de Lille.

Lancé en 2019 avec 2 porteurs, ce projet est le premier de ce type en France. Initialement prévu avec un fourgon, le choix du vélo a été motivé par le budget initial limité. Si Kévin aimait son métier initial de charpentier bois, il était la recherche d’une activité plus porteuse de sens. Ce commerce ambulant de fruits et légumes se déplace sur des lieux où il n’existe pas de commerce comme certaines cités dortoirs en évitant les jours de marché pour être complémentaire et recréer du lien social.

Il a obtenu des autorisations de la métropole pour occuper l’espace public. Il peut passer entre les potelets et se garer partout comme dans les zones piétonnes.

Une demande de passage est publiée par les personnes sur le site et l’information circule via le « bouche à oreille » entre voisins. Le stock permet de se nourrir pour la semaine. Les invendus sont donnés à des associations caritatives sur Lille ou laissés devant notre local vélo à disposition.

Après les 2 premiers confinements, l’activité vélo se maintient et un local commercial fixe permet désormais d’augmenter l’offre en complémentarité.


[1] hors déplacements domicile- travail traité par le Crem, un autre programme soutenu par l’Ademe