Projet de covoiturage Pev’MEL

Cet article est issu de l’intervention de Magalie Boyez Fourmestraux, Directrice adjoint du Pôle aménagement du territoire et mobilité à la communauté de commune Pévèle Carembault, lors du Mobinaire i-Viatic du 4 juin 2021. 

La communauté de commune Pévèle Carembault à l’initiative du projet

Créé le 1er janvier 2014, la communauté de communes Pévèle Carembault est issue de la fusion de cinq communautés de communes et de l’intégration de la commune de Pont-À-Marcq. Elle est composée de 38 communes et de 93.150 habitants, au carrefour entre Lille, Douai, Valenciennes et Tournai.  Elle était jusque-là en posture d’autorité organisatrice de la mobilité (AOM) sans en avoir la compétence qu’elle a acquise au 1er juillet dernier.

La mobilité, une préoccupation centrale des habitants

En 2014, la CC Pévèle Carembault a réalisé une consultation auprès de ses habitants : la mobilité est apparue comme une préoccupation centrale, notamment dans la perspective de l’accès à la métropole lilloise. Un diagnostic mobilité réalisé en 2016 a montré que si 30 % des actifs de la CC Pévèle Carembault restent travailler sur le territoire, 70 % vont travailler à l’extérieur, dont 84 % vers la MEL. Cela provoque un engorgement important des axes routiers structurants du territoire. L’existence de ces flux quasi unidirectionnels vers la MEL invite à une réflexion sur les moyens qui pourraient permettre de les capter via les transports en communs ou le covoiturage.

A l’issue de cette étude, plusieurs recommandations ont été formulées et font actuellement partie de la feuille de route de la CC Pévèle Carembault :

• Favoriser l’intermodalité : en continuant à aménager des pôles d’échanges et en demandant à la région de déployer des navettes de rabattement autour des gares.
• Favoriser des lignes express vers la MEL.
• Développer le covoiturage, le coworking et toute forme de mobilité innovante.

Le projet Pev’MEL s’inscrit en cohérence avec les conclusions de l’enquête réalisée auprès de la population ainsi que du diagnostic mobilité (TTK) de 2016. Il répond au besoin d’améliorer les liaisons express vers la MEL ainsi que de développer de nouveaux types de mobilité.

Le choix d’une solution de covoiturage

Une solution de covoiturage a été choisie en raison de routes départementales bien identifiées avec des flux importants. Elle est complémentaire d’autres actions de mobilité réalisées par les 2 territoires. La mobilité, c’est le tissage de multiples solutions additionnelles complémentaires mises en place pour la population.

Pour faire émerger le projet, une méthode de co-construction a été adoptée pour prendre en compte de manière pragmatique les besoins du territoire. Deux ateliers « Territoires et mobilité » ont été animés par i-Viatic. Le premier, le 28 janvier 2018, sur le thème du covoiturage domicile-travail avec un public élargi composé d’institutionnels comme la MEL, de chercheurs, de chefs d’entreprises du territoire, d’habitants et de représentants du conseil de développement de la CC Pévèle Carembault. Le second, le 12 juillet 2018, sur l’identité du service et le système d’incitation, doublé en janvier et février 2019. Des jeux de rôles ont permis aux participants de s’identifier à tel acteur en intégrant ses besoins, ses freins et ses leviers pour définir le système d’incitation le plus approprié au territoire.

Parachevant cette démarche dynamique, la CC Pévèle Carembault a présenté ce projet dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt Tenmod « France Mobilités – Territoire d’expérimentation de nouvelles mobilités durables » en 2018 pour lequel i-Viatic a accompagné le montage du dossier de candidature. Le territoire de projet n’a pas été reconnu comme peu dense, en raison de l’influence de l’aire métropolitaine lilloise et n’a donc pas pu être retenu comme Tenmod. Il a néanmoins été labellisé « France Mobilités », et a obtenu un financement dans le cadre d’un fond climat air énergie de l’ADEME.

172 places de covoiturage en 2 ans

Le volet aménagement du projet a permis l’installation de 172 places de covoiturages en 2 ans. La majorité l’ont été sur des parkings existants : places de centre-ville, équipements comme la salle de spectacle PACBO à Orchies, gares. L’aire d’Orchies à l’embranchement de l’A23, équipée de 5 places à l’origine, a été étendue grâce à une nouvelle aire de 32 places. Par ailleurs, de petites stations, de 2 à 4 places selon les communes, ont été multipliées sur des zones où une vraie convergence de flux s’observe le matin et le soir. Certaines enseignes commerciales ont collaboré en mettant à disposition des places de leur parking.

Pour le volet animations et incitations, les habitants se sont rencontré grâce à du speed dating de covoiturage et des ateliers. A Bachy, des voisins, réalisant qu’ils travaillaient à Roubaix à 150 m l’un de l’autre, se sont échangé leurs coordonnées pour covoiturer. L’encadrement de la CC Pévèle Carembault donne de la confiance et lève le frein du sentiment d’insécurité. Des prospectus ont été distribués et des banderoles éphémères installées sur certains ronds-points. Écoles et centres aérés ont relayé l’information ainsi que la presse et les radios locales.

Avec la plateforme de covoiturage développée par Mobicoop, le prestataire du syndicat Hauts-de-France Mobilités[1], un relais numérique passpasscovoiturage.fr a été mis en place. Ces lignes sont fédérées avec une communauté particulière appelée « PEV MEL » où les membres peuvent s’inscrire sur le site et rencontrer des covoitureurs parcourant les mêmes trajets. Hors du territoire, sur les zones d’activité de la MEL, des animations ont été menées dans la zone d’activité de la Haute Borne et le CRT de Lesquin au sud de la MEL ou la centrale d’Auchan. L’identité PASS PEV MEL a été déclinée sur des points d’arrêts de la MEL.

Des innovations techniques et de gouvernance remarquables portées par le projet

Côté technique, des lignes de covoiturage, matérialisées par des stations sur des petites places, ont été déployées avec de nombreuses communes impliquées dans le dispositif ainsi que sur des pôles d’échanges afin de se rabattre sur le train au cas où un covoitureur ferait faux bond. L’interopérabilité entre les deux outils de covoiturage portés respectivement par Hauts de France Mobilité (PASS PEV MEL) et ilévia (ilévia covoiturage géré par Kéolis Lille) est en cours de réalisation. L’objectif étant qu’une annonce postée sur l’un des outils puisse apparaitre sur l’autre. De plus, une barrière de station de covoiturage sur le pôle d’échanges d’Orchies vient d’être inaugurée. Elle est équipée  d’un système qui n’ouvre la barrière que si le conducteur et son passager bipent en même temps leur carte Passpass sur les bornes de chaque côté de la voiture.

Côté gouvernance, une petite communauté de communes n’ayant pas la compétence mobilité et une grande métropole ont réussi à collaborer. Un partenariat s’est mis en place, orchestré par i-Viatic, entre une métropole, une communauté de commune, un syndicat de transport (Hauts-de-France Mobilités), un opérateur de transport public (Ilévia, filiale du groupe Keolis) autour d’une offre de covoiturage et d’un dispositif d’animation unifié à destination d’une communauté d’usagers. La distribution et la démultiplication de l’animation dans les réseaux des différents partenaires (communes, entreprises…) a été rendu possible car les habitants de la CC Pévèle Carembault vont beaucoup travailler dans les entreprises de la MEL. Certains partenariats entre acteurs publics et privés dans l’implantation des stations de covoiturage ont pu se faire sur certaines enseignes commerciales.

La pandémie de Covid 19 a eu un impact considérable sur le recours à la pratique du covoiturage, et le projet s’en est trouvé affecté, notamment dans sa dimension communication/animation. Aujourd’hui, l’augmentation du trafic, la congestion routière et la hausse du prix des carburants sont des facteurs favorables pour relancer le covoiturage de manière pérenne. Le dispositif est actuellement en cours d’évaluation mais les dynamiques de coopération engagées entre les différents acteurs restent d’actualité pour continuer à encourager le covoiturage et les autres solutions de mobilité alternatives.

[1] Hauts-de-France Mobilités, syndicat mixte intermodal régional de transports, est l’autorité organisatrice des transports de la région Hauts-de-France. Il met en œuvre la carte de transport Pass Pass, support pour la majorité des titres de transport des réseaux de transports en commun de la région.