Fabrice Furlan est fondateur et directeur de la start-up Plume qui fabrique des trottinettes électriques durables et 100% réparables. Avec i-Viatic, il participe au projet « la Haute Borne dépasse ses bornes » menée par SPL Euralille. Ce projet encourage les nouvelles pratiques de mobilité chez les salariés du parc d’activité de la Haute-Borne en métropole lilloise.

Quel a été votre parcours avant l’aventure de Plume ?

Titulaire d’une licence de technologie industrielle de l’université de Lille, j’ai rejoint Décathlon où j’ai vécu plusieurs métiers pendant 20 ans. En tant que chef de produit, j’ai participé à la naissance de la marque interne Oxelo de glisse urbaine qui intégrait la trottinette à laquelle nous avons cru très tôt comme un vraimoyen de déplacement décarboné et alternatif à la congestion urbaine. Grâce à cette marque, j’ai pu vivre et m’acculturer à l’innovation de rupture très présente au sein de l’enseigne.

Passés mes 40 ans, je me suis interrogé. Va-t-on au bout de l’histoire en termes de mobilité décarbonée ? Peut-on se contenter de proposer des produits à faible impact, fabriqué en Chine comme 100 % du marché, d’une offre non différenciée, sans prise en compte de la fonctionnalité, de la location ou des services ? En tant qu’ancien cycliste, j’avais vécu toutes les vertus de cette micro-mobilité douce. Nous étions au milieu du gué. J’ai vécu des choses extraordinaires chez Décathlon mais cette entreprise née en 1976 était limitée par son modèle économique. Pour mener une conduite du changement vers de la mobilité décarboné, environnemental et sociétale, essentielle aujourd’hui, il aurait fallu 10-20 ans, et je n’avais ni la patience, ni le temps.

 

Pouvez-vous nous en dire plus sur Plume ?

J’ai donc créé la start-up Plume pour inventer les solutions qui transforment les façons de se déplacer en apportant la maitriser de la chaine de valeur de la conception à la fabrication. Notre offre prévoie l’engin de fonction ou une flotte partagée jusqu’à des solutions sur station pour des grosses industries ou des parcs d’activité tels que celui de la Haute-Borne.

La réflexion a débuté en 2017, la R&D en 2019, puis la covid est arrivée et la guerre en Ukraine. Le coût de l’inflation démontre le besoin d’industrialiser le pays. Je voulais vraiment ramener le lien entre la mobilité décarbonée et son impact industriel. En Chine, il existe toute une industrie en place de trottinettes, de stations et d’électronique. Tandis qu’en France, il faut industrialiser de A à Z et il a fallu mettre en place tout l’écosystème. Nous avons une vraie volonté de souveraineté avec 80% de fabrication en circuit-court à moins de 50 km de nos bureaux. La batterie 100% réparable illustre parfaitement notre philosophie de recyclabilitéde notre engin. Avec notre partenaire Gouach, nous pouvons démonter la batterie, trouver la cellule en 10 minutes et la remplacer quand le marché ne propose que des batteries aux cellules soudées. La batterie durera ainsi beaucoup plus longtemps sans excès de déchets. Nous avons été certifiés « origine France garantie » en mars suite à un audit de l’Afnor, une reconnaissance beaucoup plus contraignante que le « Made in France », auto-certification s’appuyant sur les codes douaniers qui certifie seulement que l’assemblage soit fait en France, les composants pouvant venir d’ailleurs.

 

Le contexte législatif est-il favorable aux entreprises concernant les trajets domicile-travail ?

Le sujet de la mobilité est très présent et pourtant les villes sont toujours autant congestionnées, en particulier sur les trajets domicile-travail. Au-delà de l’aspect environnemental et sociétal, l’accès à l’emploi est rendu difficile par la mobilité (manque d’accès et de moyen). Une étude de 2015de la Maison de l’emploi de Marseille, ville la plus embouteillée de France a montré que « l’inadéquation locale entre offre et demande d’emploi pourrait représenter jusqu’à 2,5 points de notre taux de chômage » [1], ce qui est énorme.

Nous avons travaillé sur un modèle économique serviciel clé en mains pour apporter la solution directement aux entreprises et permettre aux collaborateurs de transiter vers une mobilité décarbonée. Ce service s’appuie sur les plans de mobilité obligatoire à partir de 50 collaborateurs, le forfait mobilités durables où l’entreprise finance de manière détaxée la mobilité de ses collaborateurs comme pour les tickets restaurant, les subventions et les crédits d’impôts (25%).

 

Quel est votre rôle dans le projet de la Haute-Borne ?

Dans le projet de la Haute Borne, la SPL Euralille a mandaté i-Viatic, en partenariat avec la Chaire des Explorateurs de la Transition, l’ADAV-Droit au vélo et Déclic Mobilités pour réfléchir sur les questions de mobilité dans le cadre du projet d’aménagement du secteur ZAC de la Haute Borne, situé sur les communes de Villeneuve d’Ascq et de Sainghin-en-Mélantois en métropole lilloise.

Parmi le bouquet de solutions de mobilité pour encourager de nouvelles pratiques de mobilité des usagers, notamment en rabattement vers les stations de métro de la ligne 1, Plume apporte une solution mutualisée de trottinettes électriques entre plusieurs entreprises au sein du parc d’activité avec 6 stations équipée de 72 racks et de 45 trottinettes pour la 1ère phase. Ce service, lancé le 20 juin, a malheureusement été suspendu en raison de fortes dégradation qui ont contraint Plume à agir dans l’urgence et à suspendre le service.

Lors d’un webinaire, Auchan situé tout au bout du parc a réitéré son besoin de mobilité douce en raison de la forte congestion que la navette (inclue dans le bouquet de solutions) ne résout donc pas. Les trottinettes feront fi de tout cela car les voies cyclables sont bien développées sur le parc.

[1] Rapport à l’Inspection Générale des Finances sur le lien entre mobilité et accès à l’emploi, juin 2015